La France a pris son temps pour se tourner vers l’oenotourisme. Les français ont longtemps considéré que leur vin se suffisait à lui-même. Il n’avait presque pas besoin d’être commercialisé, et encore moins de sonneries et de sifflets pour le tourisme. Ils ont changé récemment. Que ce soit dans des projets de prestige comme l’hôtel de luxe, le restaurant et le vignoble du Domaine La Coste, près d’Aix (c’est vrai, l’idée d’un Irlandais) ou le type au béret qui ouvre sa porte de cave avec un sourire plutôt qu’un air renfrogné, ils s’y retrouvent. Et c’est payant. Les derniers chiffres disponibles – pour 2016 – suggèrent que le tourisme lié au vin a attiré 10 millions de visiteurs, contre 7,5 millions en 2009. Il a généré 4,6 milliards d’euros. C’est beaucoup d’argent. Si vous souhaitez y ajouter quelque chose, voici 10 de nos expériences préférées en tant que fans du vin français.
1. Cité du Vin, Bordeaux
Les Français ont longtemps eu du mal à trouver un musée du vin digne d’intérêt. Ils en avaient beaucoup, mais ils étaient ennuyeux. Alors, bienvenue à la Cité. Le grand et brillant tourbillon d’un bâtiment s’élève au bord de la Garonne, emportant le vin dans de nouveaux univers de divertissement, le rendant amusant même pour ceux qui ne savent pas distinguer un cabernet sauvignon d’un pissenlit et d’une bardane. Sur six étages, c’est un mélange de haute technologie, de panache, de perspicacité et d’inventivité, qui vous emporte par tous les sens pour une valse interactive à travers le vin et les sujets qui l’accompagnent : art, culture, agriculture, transport (attention à un salon nautique en mouvement), civilisation et sensualité. Particulièrement mémorable, une salle de banquet vivante avec des hologrammes et un spectacle au sol abordant le vin, la nourriture et la fête à travers les âges. Il y a des dégustations, un restaurant panoramique en haut et, du 23 mars au 24 juin, un spectacle temporaire explorant le vin et la musique. L’endroit, en bref, justifie bien le droit d’entrée de 18 euros.
2. Château de Pierreclos, Pouilly-Fuissé, Bourgogne
La Bourgogne regorge de châteaux, manoirs, abbayes et autres témoignages d’un passé temporel et spirituel. Mais la région a pris une retraite anticipée des affaires internationales pour jouer avec ses véritables atouts : manger, boire et rougir en plein visage. Les grands édifices remplissent cette fonction aussi bien qu’ils ont servi l’ancien, et aucun n’est plus heureux que le Pierreclos médiéval, s’élevant magnifiquement sur une butte juste à l’extérieur du village éponyme, à l’ouest de Mâcon. Voilà du bon vin, de l’accommodement et le sentiment que la révolution n’a jamais été aussi loin. L’édifice surplombe un paysage accidenté – collines, vignes surmontées de forêts, fermes astucieusement placées – indiquant que tout va bien en France. A l’intérieur, les caves médiévales, les cuisines et les salons sont remarquables, les vins de Pouilly-Fuissé et de St Véran excellents et les chambres d’hôtes du genre où Marie Antoinette aurait dormi heureuse.
3. Hameau du Vin, Romanèche-Thorins, Beaujolais
Georges Duboeuf est le seigneur des vins du Beaujolais, un mélange de vigneron français et d’entrepreneur du Nouveau Monde. Au Hameau du Vin, il accueille les tout-petits, les amateurs de vin vieillissant et tout le reste dans ce qui est vraiment un parc à thème viticole. Des informations sérieuses sur 2000 ans de vin sont présentées sous toutes formes – vidéos, animations, théâtres, cinéma 3D – et côtoient de magnifiques jardins, un petit train, un minigolf, une brasserie comme un vieux buffet de gare et bien d’autres choses. J’adore le Beaujolais et cet endroit est magnifique.
4. Jean Becker, Zellenberg, Colmar, Alsace
A la charnière des Vosges et de la plaine du Rhin, la route des vins d’Alsace serpente entre collines aux sommets de châteaux et villages à colombages où les Alsaciens se réfugient de leur histoire trépidante. Les vignobles familiaux à poutres et à poutres abondent. Nous favorisons Becker parce que les vins sont exceptionnels, l’accueil de Martine Becker, multilingue, chaleureux et vivifiant, et pour l’éventail des possibilités offertes aux visiteurs. Il y a un grand nombre d’options de dégustation dans ce lieu vénérable – y compris des instructions en la matière avec sept vins, du foie gras et du fromage de Munster pour 107 euros pour deux personnes. Les jeudis de mi-juillet à fin août, à 18h30, débutent les promenades guidées dans les vignobles. Il y a des pique-niques. Des cours de cuisine peuvent être organisés. Ne manquez pas l’endroit.
5. Champagne
Le champagne est aussi riche et gratifiant pour les visiteurs que n’importe quelle région viticole française. Si vous avez beaucoup d’argent et souhaitez découvrir le Champagne en profondeur, Sébastien Crozatier connaît le vin et son pays à fond. Il vous conduira des autoroutes aux chemins de campagne, aux caves exceptionnelles, aux restaurants et aux hôtels cinq étoiles. Il pourra également, si nécessaire, s’étendre en Alsace ou en Bourgogne. Pour trois jours et deux nuits au champagne, prévoir 2 213 euros par personne. En solo, la meilleure visite à domicile majeure est celle de Taittinger, avec ses extraordinaires caves sous Reims. De belles visites familiales sont possibles à Cramant, avec Voirin-Jumel et, surtout, Charlier à Montigny-sous-Chatillon, où tout est vinifié en cuves de chêne fin.
6. Château Les Farcies du Pech, Pécharmant, Bergerac, Dordogne
Les vins de Bergerac sont égaux à la plupart (mais pas à la totalité) de ceux produits par leurs voisins bordelais, et à un coût bien inférieur. Les rouges de Pécharmant sont, je pense, les meilleurs de Bergerac, et ceux de la famille Dubard dans cette ferme du XVIIIe siècle sont peut-être le meilleur choix des Pécharmants. La bonne nouvelle, c’est qu’après avoir bu le vin, on peut aussi rester ici. L’accueil de la famille est parfait et les vignes et jardins peuvent être parcourus à volonté.
7. Château de Berne, Flayosc, Provence
Au bout de la route la moins prometteuse de Provence, Berne n’est pas tant un domaine viticole qu’un micro royaume. Les vieilles pierres monumentales qui abritent aujourd’hui un hôtel cinq étoiles, un restaurant de luxe, un spa, une piscine et tout ce qu’il faut pour les amateurs de vin bien nantis sont d’une dignité raffinée et décoiffante. La cave a des rouges – et surtout des rosés – pour rivaliser avec tous les vins de la région. Les quelques 290 acres de vignes et 1 500 hectares de forêt sont idéaux pour les randonnées à pied ou à vélo, guidées ou en solo. L’énergie restante peut être dépensée pour des cours de tennis ou de cuisine, ou dans le gymnase. Propriété de l’homme d’affaires britannique Mark Dixon, Berne est une vision du Nouveau Monde de l’œnotourisme, mais imprégnée de l’élégance française.
8. Château Ste Roseline, Les Arcs, Provence
Un site enchanteur (à l’extérieur des Arcs, vue sur les Maures), une cave contemporaine lumineuse, taillée dans de vieilles pierres, et des vins exceptionnels. Ça suffit, mais il y a plus. En amont de la cave, l’ancienne chapelle de l’abbaye abrite le corps de l’abbesse Sainte Roseline dans un reliquaire en cristal. Elle mourut en 1329, fut déterrée en 1334, retrouvée à peu près telle quelle, et exposée. Elle est encore intacte, même si elle est légèrement noircie. Ses yeux sont dans une valise dans le mur. Ils ont l’air de cligner de l’oeil. Une magnifique mosaïque de Chagall et une lanterne en relief et en bronze de Giacometti supervisent l’ensemble. Réfléchissez à ceci, puis préparez vous pour le diner arrosé. Insistez sur la Cuvée Prieuré Rouge. C’est une merveille.
9. Château de Flaugergues, Montpellier
Aussi proche du centre de Montpellier que possible sans être un parking, ce château-vignoble résiste à l’empiétement. Comme il se doit. L’enclave et les jardins exquis du XVIIe siècle ont beaucoup trop de dignité (et de trésors) pour être avalés. Les vins sont de première qualité (à commencer par la Sommelière Rouge), la famille du Comte Henri de Colbert, établie de longue date, et leur restaurant de cour, Folia, proposent un déjeuner d’été : trois plats, 21 euros. La nuit, si c’est un vendredi d’été, attendez-vous à un centre-ville colonisé à partir de 18h30 par les Estivales, sans doute la plus grande et la plus joyeuse fête hebdomadaire du vin en France.
10. Domaine des Gauletteries, Ruillé-sur-Loir
C’est Loir sans « e ». C’est le fleuve et la vallée au nord de la grande Loire, et c’est tout à fait joli. Francine et Raynald Lelais et leurs Côteaux-du-Loir rouges, vous accueilleront avec exubérance dans leurs salles de dégustation et leur labyrinthe de caves, apparemment sur mesure pour des cérémonies de têtes de béliers et de vierges. Le manoir de La Possonnière, tout près, est le lieu de naissance du plus grand poète français du XVIe siècle, Pierre de Ronsard. Il a écrit : « Vivez maintenant, croyez-moi, n’attendez pas demain. Rassemblez les roses de la vie aujourd’hui. » C’est le slogan dont l’oenotourisme a besoin.